Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     LANGUE     
FEW V lingua
LANGUE, subst. fém.
[T-L : langue ; AND : lange2 ; DÉCT : langue ; FEW V, 358a, 361a, 362b : lingua]

A. -

Au propre. "Organe charnu, allongé et mobile qui se trouve dans la bouche" : ...elle treuve les dens serrez et la langue amortie. (GERS., Pent., p.1389, 85). Cestui eut à disciple Anaxarcus, qui puis couppa sa langue aux dens et la cracha au visage du tirant (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 66 v°). ...en près Saint Denis en France fut veu ung monstre, en forme d'un homme double, qui avoit trois yeux et deux lengues. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 145 v°).

 

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Au fig. Coup de langue. V. coup

 

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P. anal. [Symbole du Saint-Esprit] Langue ardente/langue de feu/langue enflammée : ...c'est proprement le doulz Saint Esperit qui enlumine les cuers des Crestiens par estincelles ardans et trespersans les cuers du feu de son amour comme il fist aus apostres par les langues de feu. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 299). Le Saint Esperit hurte a l'uis de la sainte ame par grant son de cremeur et d'espouentement (...), par langues enflamees de prechement (...), par la columbe qui signifie douceur et amolissement (GERS., Pent., p.1389, 76). L'envoy du Saint Esperit est de deux manieres come celle du Filz. L'une est visible, comme il apparut sur Jhesu Crist en maniere et espece de coulon, et sur les apostles en figure de langues ardantes comme feu. (Somme abr., c.1477-1481, 118).

B. -

P. méton. [Langue en tant qu'organe de la parole]

 

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En partic. "Faculté d'expression propre à l'homme" : ...avance toy, mon chier enfant, qui jadiz estoyes la joye de tout mon cuer, haste toy pour moy secourir, pour moy tirer et delivrer de ce tres doloreux tourment plus grief que langue ne pourroit dire, ne cuer penser. (GERS., Déf., 1400, 227). Et n'est pas a oublier que trop plus grant peril est a errer en blaphemant ceste Vierge que en l'onnourant, elle qui par langue d'omme souffisamment ne puet estre louee. (GERS., Concept., 1401, 422).

 

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Avoir don de langue. "Avoir le don de la parole ; montrer de l'éloquence" : Cestui Myno fut très subtil astrologien et beau personnage et ot don de langue. À ceste cause il fut envoyay par icelui Xerxes amasser gens et navires, pour venger la honte que les Grecs avoient faicte à son pere (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 46 v°).

 

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Avoir sa science sur le bout de la langue. "Étaler sa science" : Aucuns semblent que ilz ne scevent rien, et scevent assez. Lez aultres ont toute leur science sur le bout de la langue, et semblent biaucoup savoir, et ne scevent rien. (Songe verg. S., t.1, 1378, 237).

 

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Vendre sa langue : Et [autrefois les avocats] ne vendoient pas leur langue ne la science infuse que Dieu leur avoit envoyee, en accomplissant a la lectre la doctrine de Jesuscrist qui dit : Vous avez receu la science pour nyent et pour nyent la donnez. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 463).

 

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Mordre de (la) langue à qqn. "Le critiquer" : "...tous les marchans et mariniers du monde de la dicte nef et sa prosperite avoient une double envie, et par espicial les XVII nefz ses conserves, desquelles les aucunes d'oeil simple ne la pouoient regarder, voire sans lui mordre de langue et sans lui murmurer." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 547).

 

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"Parole (donnée)"

 

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Ne pas avoir fiance ni foi en langue lombarde : ...ledit duc de Millan, laissant arriere sa foy et son jurement, les fist menger aux chiens. Pour ce soit advertissement aux roys de France et François pour jamais, de non aver fiance ne foy en langue lombarde, car si je vouloye reciter les inumerables traïsons et faulcetés, que d'icelle part sont issues, il ne seroit en piece fait. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 151 v°).

 

Rem. Non att. par DI STEF., s.v. langue, mais cf. les valeurs péj. des loc. s.v. lombard.

C. -

"Langage parlé ou écrit propre à un peuple" : Aussi n'ay-je pas grant savance Du propre langage de France, Car ma mère estoit pure Brète, Donc n'avoit point la langue preste, Ne le sens, ne l'entendement, À parler si congruement Comme un Françoiz ledit langage (LA HAYE, P. peste, 1426, 165). Bien peut il estre qu'il en a esté escript çà et là aucune chose, mais non en ung volume, ne en nostre langue, ne si clerement, compendieusement, ne evidemment monstré, comme bien eust peu estre fait (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 9 r°). Touteffoiz il a esté très mal translaté, selon ce que j'ay congneu par celui de langue ebraïque, qui lors se disoit langue humaine, et n'y avoit autre langue en toute la terre, et est à presupposer que icelui Ionicus le desdya audict Nembroth et qu'il eut autres plusieurs disciples. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 15 r°). ...fonda aussi icelui Nembrod une ville jouxte icelle tour qui, selon saint Jerosme, fut à merveilles grande, qui de tour avoit LXIII mil, et pour la confusion des langues la fist Babillone nommer. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 15 r°).

 

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Langue commune. "Langue d'un peuple (p. oppos. au latin)" : Et aussy est, au contraire, la rime mieulx seant en la langue commune et par especial en la langue françoise que en latin (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 72-73).

 

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Langue maternelle : ...par son commandement, translata le livre de ce très notable docteur Hali Abenragel, de langue arabique en langue maternelle hispanique. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 125 r°).

D. -

P. anal. Langue de la balance. "Style perpendiculaire au fléau de la balance indiquant les pesées"

 

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[Dans un cont. métaph.] : ...il est expedient au sauvement de l'ame et au bon gouvernement que une foiz (...) [tes] subgiez, grans, moyens, et petis, a toy clerement et non pas par la langue des advocaz, mais par la langue de ma sainte balance, te doyvent rendre compte de leur gouvernement (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 133). "...Mais la sainte verite est si belle et si belle a cognoistre," dist la royne, "comme la langue de ma balance, qui sans faveur demostre a chacun la verite du poys..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 179).
 

Littérature didactique Hiltrud Gerner


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